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Tuesday 22 July 2003

La Corte di Giustizia Europea condanna l’ Italia per l’ eccessiva durata delle procedure fallimentari. Conseil de l’ Europe – Cour europèenne des droits de l’ homme – (Requête no 56298/00) Strasbourg 17 juillet 2003

La Corte di Giustizia Europea condanna lItalia per leccessiva durata delle procedure fallimentari

Conseil de lEurope

Cour européenne des droits de lhomme

Première section – Président Rozakis

Affaire Bottaro c. Italie

(Requête no 56298/00)

Strasbourg 17 juillet 2003

En fait

I. Les circonstances de lespèce

– Le requérant est né en 1934 et réside à Bergame.

– Le 24 janvier 1989, la société O. demanda la mise en faillite du requérant devant le tribunal de Bergame. Le 20 juin 1990, le tribunal rejeta la demande au motif que le requérant exerçait une activité artisanale et que de ce fait, conformément aux articles 2083 du code civil et 1 de la loi sur la faillite, il naurait pas dû faire lobjet dune procédure de faillite. Le 6 juillet 1990, la société O. fit opposition à ladite décision devant la cour dappel de Brescia et le 29 septembre 1990 le requérant se constitua dans la procédure.

– Par une décision du 10 octobre 1990, la cour considéra que lactivité du requérant, comprenant également la vente de biens, pouvait être considérée comme étant une activité dentrepreneur et renvoya laffaire au tribunal de Bergame. Par une décision du 13 novembre 1990, dont le texte fut déposé au greffe le jour suivant, le tribunal déclara la mise en faillite du requérant. Le syndic de faillite présenta son compte de gestion le 30 janvier 1991 ; laudience pour lexamen du passif de la faillite eut lieu le 5 février 1991 et continua le 16 avril 1991.

– Le 13 mai 1991, le juge délégué (« le juge ») déclara exécutif le passif de la faillite. Le 15 novembre 1996, le juge autorisa la vente aux enchères des biens immobiliers, fixée au 17 janvier 1997. Toutefois, le jour venu, aucun acheteur potentiel ne se présenta. Le Gouvernement a indiqué, dans ses observations du 6 novembre 2000, que des demandes visant la récupération dautres créances auraient été introduites le 9 mars 1998.

– Le 28 mai 2001, le syndic déposa un rapport indiquant que la procédure était encore pendante en raison des difficultés de vente de deux terrains faisant partie de lactif de la faillite. Il affirma en outre que, bien que certains offres dachat avaient été présentées, les acheteurs potentiels navaient pas fourni la caution nécessaire. Partant, compte tenu des coûts des publications nécessaires pour une vente aux enchères, le syndic indiqua que « il nétait pas avantageux » dorganiser une telle vente.

– Les 10 avril et 15 mai 2001, le requérant demanda la clôture de la procédure.

– Le 4 juin 2001, le juge demanda au syndic dorganiser dautres tentatives de vente et de proposer lachat des terrains à la Mairie de Parzanica (Bergame), où ces derniers étaient situés.

– Par un rapport du 31 octobre 2001, le syndic indiqua à nouveau que la procédure était encore pendante en raison des difficultés de vente des deux terrains. Il indiqua au juge avoir proposé à la Mairie de Parzanica lachat de lun des deux biens et que la Maire sétait réservé de prendre une décision. Le syndic souligna également que les deux terrains étaient « probablement non aliénables » en raison du fait quils étaient situés dans un petit village et quils étaient difficilement accessibles.

– Le 7 novembre 2001, le juge ordonna dafficher loffre de vente.

– Le 12 juillet 2002, le juge fixa une tentative de vente aux enchères au 18 octobre 2002.

– Selon les informations fournies par le requérant le 5 juin 2003, la procédure est encore pendante. Les terrains auraient entre-temps été vendus et la procédure de transfert à ladjudicataire serait en cours.

II. Le droit interne pertinent

1. Les dispositions pertinentes de la loi sur la faillite (décret royal no 267 du 16 mars 1942) se lisent ainsi :

Article 26

«Les décisions du juge délégué peuvent faire lobjet de recours (…) devant le tribunal dans un délai de trois jours de la date dadoption, de la part du syndic, du failli, du comité des créanciers et de toute autre personne intéressée.

Le tribunal décide en chambre du conseil par acte motivé.

Le recours ne suspend pas lexécution de la décision attaquée».

Article 36

«Les actes dadministration du syndic peuvent faire lobjet de recours devant le juge délégué de la part du failli et de toute autre personne intéressée ; le juge statue par décision motivée.

Contre cette décision, il est possible dintroduire un recours, dans les trois jours, devant le tribunal. Celui-ci statue par acte motivé après avoir entendu le syndic et le demandeur».

Article 42

«Le jugement qui déclare la faillite prive le failli de ladministration et de la disponibilité de biens existants à la date dudit jugement (…) ».

Article 48

«La correspondance adressée au failli doit être remise au syndic, qui a le droit de garder celle relative à des intérêts patrimoniaux. Le failli peut prendre connaissance de la correspondance. Le syndic doit garder le secret sur le contenu de la correspondance qui ne concerne pas lesdits intérêts».

Article 49

«Le failli ne peut quitter son lieu de résidence sans autorisation du juge et doit se présenter audit juge, au syndic ou au comité des créanciers chaque fois quil est convoqué, sauf les cas où, à cause dun empêchement légitime, le juge lautorise à comparaître par lintermédiaire dun représentant.

Le juge peut faire amener le failli par la police si ce dernier nobéit pas à la convocation».

Article 50

«Un registre public est tenu au greffe de chaque tribunal, dans lequel sont enregistrés les noms des faillis. Ces noms sont rayés du registre à la suite dun jugement du tribunal. Le failli est soumis aux incapacités prévues par la loi jusquà ce que son nom soit rayé du registre».

Article 88

«Ladministration des biens du failli est confiée au syndic au fur et à mesure que ce dernier rédige linventaire desdits biens (…)».

– Les dispositions pertinentes du code civil se lisent ainsi:

Article 350

«Ne peuvent pas être nommés tuteurs et, si déjà nommés, doivent abandonner cette fonction :

(…) le failli dont le nom na pas été rayé du registre des faillis. »

– Larticle 393 prévoit essentiellement lincapacité du failli à exercer les fonctions de syndic jusquà ce que son nom soit supprimé du registre des faillis.

– Les articles 2382, 2399, 2417 et 2516 du code civil prévoient linterdiction pour le failli dêtre nommé administrateur et syndic dune société commerciale ou coopérative, ainsi que représentant des obligataires de sociétés anonymes.

– Larticle 2 du décret du Président de la République no 223 du 20 mars 1967, modifié par la loi no 15 du 16 janvier 1992, prévoit essentiellement la suspension des droits électoraux du failli pendant la durée de la procédure de faillite et, en tout cas, pour une période non supérieure à cinq ans à partir de la déclaration de faillite.

En droit

I. Sur la violation alléguée de larticle 1 du protocole no 1 à la convention

– Le requérant se plaint que la déclaration de faillite la privé de tous ses biens et invoque à cet égard larticle 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause dutilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois quils jugent nécessaires pour réglementer lusage des biens conformément à lintérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou dautres contributions ou des amendes. »

1. Les arguments des parties

a) Le requérant

– Le requérant observe que la procédure est encore pendante en raison des difficultés de vente de deux terrains inclus dans la faillite. En outre, il souligne le risque de rester failli à temps indéterminé, la procédure de faillite ne pouvant être clôturée quaprès la vente des biens faisant partie de lactif de la faillite.

b) Le Gouvernement

– Le Gouvernement affirme que, compte tenu de ce que la procédure de faillite est prévue par la loi et poursuit un but légitime, à savoir garantir aux créanciers le recouvrement au moins partiel de leurs créances, la privation des biens qui en résulte nenfreint pas larticle 1 du Protocole no 1. En outre, le Gouvernement indique que la procédure est encore pendante en raison du fait que certains biens de la faillite sont difficilement aliénables.

2. Lappréciation de la Cour

a) Sur lexistence dune ingérence

– La Cour relève que lexistence dune ingérence na pas prêté à controverse entre les parties.

b) La règle applicable

– La Cour rappelle que larticle 1 du Protocole no 1 à la Convention contient trois normes distinctes : la première, qui sexprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux Etats contractants le pouvoir, entre autres, de réglementer lusage des biens conformément à lintérêt général. La deuxième et la troisième, qui ont trait à des exemples particuliers datteintes au droit de propriété, doivent sinterpréter à la lumière du principe consacré par la première (arrêts Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 1999-II, et Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, CEDH 1999-V).

– La Cour note que, à la suite du jugement déclarant la faillite, le requérant a été privé non pas de sa propriété mais de ladministration et de la disponibilité de ses biens, dont ladministration a été confiée au syndic. Lingérence dans son droit au respect des biens sanalyse donc en une réglementation de lusage des biens au sens du deuxième paragraphe de larticle 1 du Protocole no 1.

c) Le respect des conditions du deuxième paragraphe

– La Cour relève que linterdiction faite au failli dadministrer ses biens et den disposer a pour but le payement des créanciers de la faillite. Lingérence en question poursuit donc un but légitime et conforme à lintérêt général, à savoir la protection des droits dautrui.

– La Cour rappelle quune mesure dingérence doit ménager un « juste équilibre » entre les impératifs de lintérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de lindividu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de larticle 1 tout entier, donc aussi dans le second alinéa : il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, la Cour reconnaît à lEtat une grande marge dappréciation tant pour choisir les modalités de mise en Suvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans lintérêt général, par le souci datteindre lobjectif de la loi en cause (arrêts Chassagnou et autres c. France [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 75, CEDH 1999-III, et Immobiliare Saffi c. Italie précité, § 49).

– La Cour fait observer que la limitation du droit du requérant au respect de ses biens nest pas critiquable en soi, vu notamment le but légitime visé et la marge dappréciation autorisée par le second alinéa de larticle 1. Cependant, un tel système emporte le risque dimposer au requérant une charge excessive quant à la possibilité de disposer de ses biens, notamment à la lumière de la durée dune procédure qui, telle la présente, sest étalée sur plus de douze ans et six mois.

Dès lors, la Cour estime que la limitation du droit du requérant au respect des ses biens nétait pas justifiée tout au long de la procédure, car si en principe la privation de ladministration et de la disponibilité des biens est une mesure nécessaire afin datteindre le but poursuivi, la nécessité de cette mesure samenuise avec le temps. De lavis de la Cour, la durée de cette procédure a donc entraîné la rupture de léquilibre à ménager entre lintérêt général au payement des créanciers de la faillite et lintérêt individuel du requérant au respect de ses biens. Lingérence dans le droit du requérant se révèle dès lors disproportionnée à lobjectif poursuivi.

– Au vu de ce qui précède, la Cour conclut quil y a eu violation du droit du requérant au respect de ses biens, tel que garanti par larticle 1 du Protocole no 1 à la Convention.

II. Sur la violation alléguée de larticle 8 de la convention

-Le requérant se plaint ensuite que, après la déclaration de faillite, toute la correspondance qui lui était adressée a été remise au syndic. Il invoque larticle 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa (…) correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence dune autorité publique dans lexercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et quelle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de lordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés dautrui. »

1. Les arguments des parties

a) Le requérant

-Le requérant observe que le contrôle de la correspondance de la part du syndic de la faillite constitue une entrave à son droit au respect de la correspondance.

b) Le Gouvernement

– Selon le Gouvernement, la restriction du droit du requérant au respect de sa correspondance, découlant de larticle 48 de la loi sur la faillite, a pour but la « réalisation du juste équilibre entre lintérêt public » et celui du requérant. Ladite restriction permettrait lacquisition de la part du syndic de toutes informations relatives à la situation patrimoniale du failli afin déviter que celui-ci puisse occulter ou soustraire des sommes dargents au détriment des créanciers. La limitation du droit au respect de la correspondance puiserait son fondement juridique dans les exceptions spécifiques et formelles du paragraphe 2 de larticle 8 dans la mesure où il fait référence à « la protection des droits dautrui ». De plus, la loi obligerait le syndic à transmettre au failli les courriers qui ne concernent pas des intérêts patrimoniaux et lierait le premier au secret sur le contenu de la correspondance personnelle du second.

2. Lappréciation de la Cour

a) Sur lexistence dune ingérence

– a Cour relève que lexistence dune ingérence na pas prêté à controverse entre les parties. Pareille ingérence méconnaît larticle 8 de la Convention à moins quelle ne soit « prévue par la loi », ne vise un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 du même article et ne puisse passer pour une mesure « nécessaire dans une société démocratique » (voir, mutatis mutandis, larrêt Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 179, CEDH 2000-IV).

b) Légalité et finalité de lingérence

– a Cour relève que ladite ingérence était prévue par la loi (article 48 de la loi sur la faillite). De plus, cette ingérence, comme lindique le Gouvernement, visait à recueillir des informations relatives à la situation patrimoniale du failli afin déviter que celui-ci ne détourne son patrimoine au détriment des créanciers. Elle poursuivait donc un but légitime, à savoir la protection des droits dautrui.

2. Il reste à savoir si la mesure en question était nécessaire dans une société démocratique.

c) Proportionnalité de lingérence

– La Cour observe que la mise en place dun système de contrôle de la correspondance du requérant nest pas critiquable en soi. Cependant, un tel système comporte le risque dimposer au requérant une charge excessive quant au droit de ce dernier au respect de sa correspondance, notamment en raison de la durée dune procédure qui, telle la présente, sest étalée sur plus de douze ans et six mois.

Dès lors, la Cour estime que la limitation du droit du requérant au respect de sa correspondance nétait pas justifiée tout au long de la procédure, car si en principe ledit contrôle est une mesure nécessaire afin datteindre le but poursuivi, la nécessité de cette mesure samenuise avec le temps. De lavis de la Cour, la durée de cette procédure a donc entraîné la rupture de léquilibre à ménager entre lintérêt général au payement des créanciers de la faillite et lintérêt individuel du requérant au respect de sa correspondance. Lingérence dans le droit du requérant se révèle dès lors disproportionnée à lobjectif poursuivi.

-Au vu de ce qui précède, la Cour conclut quil y a eu violation du droit du requérant au respect de sa correspondance, tel que garanti par larticle 8 de la Convention.

III. Sur la violation alléguée de larticle 13 de la convention

-Le requérant allègue la violation de larticle 13 de la Convention quant à labsence dun recours effectif en droit italien pour se plaindre de la limitation prolongée de son droit au respect de la correspondance.

Larticle 13 est ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (…) Convention ont été violés, a droit à loctroi dun recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans lexercice de leurs fonctions officielles. »

1. Les arguments des parties

a) Le requérant

– Se référant à la jurisprudence de la Commission (Ceteroni et Magri c. Italie, requêtes nos 22461/93 et 22465/93, décision de la Commission du 17 octobre 1994, non publiée) et de la Cour (Ceteroni c. Italie, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V), le requérant considère que larticle 36 de la loi de la faillite ne constitue pas un remède effectif pour se plaindre de la limitation du droit au respect de la correspondance.

b) Le Gouvernement

– Le Gouvernement observe que larticle 26 de la loi de la faillite offre au requérant la possibilité dintroduire devant le tribunal un recours contre les décisions du juge délégué. Il considère également que les actes administratifs du syndic peuvent faire lobjet dun contrôle de la part dorganes tels que le comité des créanciers, le tribunal et le juge commissaire.

2. Lappréciation de la Cour

– La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, larticle 13 exige un recours interne pour les seuls griefs que lon peut estimer « défendables » au regard de la Convention. Larticle 13 garantit lexistence en droit interne dun recours permettant de sy prévaloir en substance des droits et libertés de la Convention tels quil peuvent sy trouver consacrés. Cette disposition exige donc un recours interne habilitant « linstance nationale compétente » à connaître du contenu du grief fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié. Le recours doit être « effectif » en pratique comme en droit (voir Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 161, § 120 et Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, CEDH 2000-V, § 67).

La Cour considère que, à la lumière des conclusions relatives à larticle 8 ci-dessus, le grief du requérant selon lequel le contrôle prolongé de sa correspondance comporte une violation de larticle 8 de la Convention rêvait sans conteste un caractère « défendable ». Le requérant était donc en droit de bénéficier dun recours interne effectif au sens de larticle 13 de la Convention.

– La Cour observe que larticle 26 de la loi sur la faillite prévoit certes la possibilité pour le requérant dintroduire un recours devant le tribunal. Toutefois, ce recours na pour objet que les décisions du juge délégué et ne peut pas, de ce fait, constituer un remède efficace contre la restriction prolongée du droit au respect de la correspondance, conséquence directe du jugement déclarant la faillite et non pas dune décision du juge délégué.

De surcroît, la Cour relève que larticle 36 de la loi sur la faillite prévoit la possibilité de saisir le juge délégué pour se plaindre des actes dadministration du syndic. Toutefois, la Cour observe que ce recours concerne les activités dadministration du patrimoine du failli accomplies par le syndic jusquà la vente des biens et la satisfaction des créanciers. Il ne peut donc en aucun cas être de nature à porter remède à la limitation prolongée de la jouissance du droit au respect de la correspondance invoqué par le requérant (voir décision de la Commission Ceteroni et Magri c. Italie, précitée).

– Au vu de ce qui précède, la Cour conclut quil y a eu violation du droit à un recours effectif, tel que garanti par larticle 13 de la Convention.

IV. Sur la violation alléguée de larticle 2 du protocole no 4 à la convention

– Enfin, le requérant se plaint de linterdiction faite au failli de séloigner de son lieu de résidence, et invoque larticle 2 du Protocole no 4 à la Convention, qui dispose :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire dun Etat a le droit dy circuler librement et dy choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter nimporte quel pays, y compris le sien.

3. Lexercice de ces droits ne peut faire lobjet dautres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de lordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés dautrui.

4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire lobjet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par lintérêt public dans une société démocratique. »

1. Les arguments des parties

a) Le requérant

– Le requérant observe que linterdiction de séloigner de son lieu de résidence constitue une entrave à son droit de circuler librement.

b) Le Gouvernement

3. Selon le Gouvernement, la restriction à la liberté de circuler prévue à larticle 49 de la loi en question est une mesure temporaire, non absolue – le requérant ayant seulement lobligation de demander lautorisation préalable du juge délégué avant de quitter son lieu de résidence -, et poursuivant « les buts propres de la procédure de faillite ».

2. Lappréciation de la Cour

a) Sur lexistence dune ingérence

– La Cour relève que lexistence dune restriction à la liberté de circulation du requérant na pas prêté à controverse entre les parties.

– De plus, elle considère que pareille restriction méconnaît larticle 2 du Protocole no 4 sauf si elle est prévue par la loi, vise un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 3 du même article et peut passer pour une mesure « nécessaire dans une société démocratique » (Raimondo c. Italie, arrêt du 22 février 1994, série A no 281, § 39).

b) Légalité et finalité de lingérence

– La Cour relève que ladite ingérence est prévue par la loi (article 49 de la loi sur la faillite) et considère que celle-ci a pour but dassurer que le failli puisse être joint afin de faciliter le déroulement de la procédure. La Cour estime dès lors que ladite restriction vise la protection des droits dautrui, à savoir les intérêts des créanciers de la faillite.

– Il reste à savoir si ladite mesure est nécessaire dans une société démocratique.

c) Proportionnalité de lingérence

– La Cour observe demblée que la limitation de la liberté de circulation nest pas critiquable en soi. Cependant, un tel système emporte le risque dimposer au requérant une charge excessive quant à la liberté de circuler librement, notamment à la lumière de la durée dune procédure qui, telle la présente, sest étalée sur plus de douze ans et six mois.

Dès lors, la Cour estime que la limitation de la liberté de circulation du requérant nétait pas justifiée tout au long de la procédure, car si en principe linterdiction pour le failli de séloigner de son lieu de résidence est une mesure nécessaire afin datteindre le but poursuivi, la nécessité de cette mesure samenuise avec le temps. Même sil ne ressort pas du dossier que le requérant a voulu séloigner de son lieu de résidence ou que lautorisation lui a été refusée, de lavis de la Cour, la durée de cette procédure a entraîné la rupture de léquilibre à ménager entre lintérêt général au payement des créanciers de la faillite et lintérêt individuel du requérant à circuler librement. Lingérence dans la liberté du requérant se révèle dès lors disproportionnée à lobjectif poursuivi.

– Au vu de ce qui précède, la Cour conclut quil y a eu violation de la liberté de circulation du requérant, telle que garantie par larticle 2 du Protocole no 4 à la Convention.

V. Sur lapplication de larticle 41 de la convention

– Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare quil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet deffacer quimparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, sil y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

– Le requérant demande 258 228,45 euros (EUR) pour le préjudice moral quil aurait subi.

– Le Gouvernement estime quaucune satisfaction équitable ne devrait être accordée au requérant.

– La Cour considère que le requérant a subi un tort moral certain. Eu égard aux circonstances de la cause et statuant en équité comme le veut larticle 41 de la Convention, elle décide de lui octroyer la somme de 27 000 EUR.

B. Frais et dépens

– Le requérant demande également le remboursement des frais et dépens encourus devant la Cour qui sélèvent à 12 572,35 EUR, plus TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et CPA (contribution à la caisse de prévoyance des avocats).

– La Cour, statuant en équité et eu égard à la pratique des organes de la Convention en la matière, estime raisonnable dallouer au requérant la somme de 3 000 EUR.

C. Intérêts moratoires

– La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux dintérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

Par ces motifs,

La Cour, à lunanimité,

1. Dit quil y a eu violation de larticle 1 du Protocole no 1 à la Convention ;

2. Dit quil y a eu violation de larticle 8 de la Convention ;

3. Dit quil y a eu violation de larticle 13 de la Convention ;

4. Dit quil y a eu violation de larticle 2 du Protocole no 4 à la Convention ;

5. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où larrêt sera devenu définitif conformément à larticle 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 27 000 EUR (vingt-sept mille euros) pour dommage moral;

ii. 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens ;

iii. tout montant pouvant être dû à titre dimpôt sur lesdites sommes ;

b) quà compter de lexpiration dudit délai et jusquau versement, ce montant sera à majorer dun intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 juillet 2003 en application de larticle 77 §§ 2 et 3 du règlement.